ANTICANCER
EXTRAIT DU LIVRE ANTICANCER « de David Servan-Schreiber
Publié chez Robert Laffont, imprimé en 2007
Qui n'a pas entendu parler du célèbre psychiatre, David Servan-Schreiber, de sa lutte farouche, des années durant, contre son cancer, et des si précieux conseils qu'il a distribué avec altruisme en dans ses livres GUERIR et ANTICANCER.
Certaines considérations m'ont particulièrement frappées – et elles ne sont pas liées seulement à la société américaine...
Et comment l'état d'esprit qui y est montré du doigt n'influerait-il pas directement sur l'augmentation des cas de cancer !?
Les lignes suivantes, par exemple, me laissent très songeuse. (Je copie-colle – p.194 à 196) :
« Les experts ne sont pas d'accord entre eux. »
En 1977, j'ai accompagné mon père lors de sa rencontre avec le sénateur George McGovern dans son bureau du Sénat à Washington. Je me souviens que son bureau m'avait paru très petit pour un sénateur qui avait été candidat démocrate à la présidence des États-Unis. Je me souviens aussi de l'étrange carte du Dakota du Sud – dont il était l'élu – qui tapissait le mur derrière son fauteuil. C'était un grand rectangle presque vide, avec une poignée de petites villes dispersées dont je ne connaissais pas même le nom. McGovern était abattu et préoccupé. Il faisait face à une fronde considérable, bien plus redoutable que les attaques de Nixon sur ses anciens quartiers généraux du Watergate pendant la campagne perdue de 1972. « Je viens de faire la plus grande erreur de ma carrière politique », nous a-t-il déclaré. Il avait accepté de présider la commission parlementaire chargée d'édicter des recommandations nutritionnelles de santé publique. Les experts qui avaient apporté leur témoignage devant la commission avaient présenté des résultats limpides : le taux de maladies coronariennes s'était envolé depuis la Seconde Guerre mondiale, alors que dans les pays où le régime était plus riche en végétaux qu'en produits animaux, ces maladies étaient presque inexistantes. Les épidémiologistes avaient aussi remarqué que lors du rationnement de la viande et des produits laitiers pendant la guerre, le taux des maladies cardiaques avait chuté considérablement.
Croyant bien faire, la commission avait fait publier un document qui lui semblait de bon sens. Dans ses « Objectifs alimentaires pour les États-Unis », elle avait naïvement recommandé de « réduire la consommation de viande et de produits laitiers ».
Depuis cette annonce, McGovern se débattait dans un orage politique qu'il ne pouvait plus maîtriser. Il avait déclenché la fureur de toute l'industrie du bœuf et de la vache laitière des États-Unis. Dans ses grandes prairies vides, le South Dakota n'avait pas beaucoup plus d'habitants que de têtes de bétail... McGovern nous a expliqué ce jour-là qu'il y a des choses auxquelles il vaut mieux ne pas toucher.
Trois ans plus tard, les subventions de cette puissante industrie allaient se porter sur son adversaire politique, mettant fin à sa carrière de sénateur. La triste mine de McGovern suggérait qu'il avait déjà compris ce qui allait lui arriver. Financés par l'industrie, des experts de tout acabit déclaraient « qu'il ne fallait surtout pas incriminer un aliment en particulier ». Les « graisses saturées » qui étaient en cause n'étaient pas présentes uniquement dans la viande et les produits laitiers, expliquaient-ils doctement, mais également dans le poisson (ce qui est vrai, mais dans des quantités très inférieures). L'industrie a donc réussi à faire modifier les recommandations, de sorte que nulle part il n'était explicitement conseillé de réduire la consommation d'un aliment en particulier. Ce faisant, elle a jeté la confusion dans l'esprit du public, peut-être pour des décennies. Ce qui aurait dû être un message simple et évident était devenu un salmigondis inintelligible qui n'eut finalement aucun impact. Comme le souligne dans le New York Times Michael Pollan, professeur de journalisme à l'université de Berkeley, le seul message transmis au public fut celui qu'on met en avant quand on, veut s'assurer que rien ne change : « les experts ne sont pas d'accord entre eux. »
Comme les patients, les médecins sont donc pris en tenaille entre deux industries très puissantes. D'une part l'industrie pharmaceutique : sa logique naturelle consiste à proposer des solutions pharmacologiques plutôt que d'encourager les patients à se prendre en mains. De l'autre, l'industrie agroalimentaire : elle protège jalousement ses intérêts en empêchant la diffusion de recommandations trop explicites sur les liens entre aliments et maladies. Son souhait le plus vif est que rien ne change.
Mais pour ceux qui, comme moi, veulent se protéger contre le cancer, il est inacceptable de continuer à être la victime passive de ces forces économiques.
Ajouter un commentaire